Penser la ville à hauteur d’enfant, c’est transformer en profondeur l’action publique. Cela suppose de poser des choix politiques clairs, de remettre en cause les normes urbaines établies et de développer une culture commune entre services pour intégrer la voix des plus jeunes.
« Dans les années 1950, les enfants pouvaient parcourir jusqu’à quatre kilomètres pour aller voir leurs grands-parents ou faire quelques courses. Aujourd’hui, cette distance est quasiment nulle », observe Madeleine Masse, fondatrice de l’Atelier Soil, agence d’architecture et d’urbanisme engagée pour une ville durable et inclusive. Les rues se sont vidées des enfants. Selon un rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA, 2024), 97 % des écoliers et 77 % des collégiens sont accompagnés dans leurs trajets domicile-école. Comme le souligne le sociologue Clément Rivière, cette évolution traduit le dilemme parental entre l’envie de rendre l’enfant autonome et la crainte de le laisser seul dans l’espace urbain.
Ce repli à l’intérieur des logements constitue pourtant un risque majeur pour leur santé physique et psychologique. Ces « enfants d’intérieur », comme les désigne le HCFEA, souffrent d’un manque de nature et d’activité physique. L’usage massif des écrans – plus de quatre heures par jour en moyenne entre 6 et 17 ans, selon Santé publique France – accentue cette sédentarité, renforcée par des villes pensées avant tout pour les adultes actifs et la voiture, rappelle Madeleine Masse. Les enfants sont confinés à des aires de jeux normalisées et ultrasécurisées. « C’est une façon de leur dire : “Voici l’espace qui vous est réservé, le reste de la ville n’est pas pour vous” », analyse Alicia Lugan, directrice du bureau d’études Equal Saree.
Face à ce constat, certaines municipalités s’engagent, inspirées par les travaux de Francesco Tonucci. En 1996, il a fondé le réseau international des « villes des enfants », où les jeunes peuvent aller à l’école à pied, jouer dans la rue et prendre part à la vie collective. Plus de 300 villes à travers le monde, dont Montpellier, y participent aujourd’hui.
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Source : La Gazette des communes, 16/09/2025