Se dirige-t-on vers des services publics sans fonctionnaires ? C’est la question que soulève Émilie Agnoux, co-fondatrice du groupe de réflexion "Le Sens du Service public", dans un article publié dans la revue « Humanisme », avant la dissolution de l'Assemblée nationale.

« Le titre est certes provocateur, mais l’article vise à apporter de la nuance dans une société qui en manque cruellement », déclare Émilie Agnoux sur LinkedIn en présentant son texte pour « Humanisme », rédigé avant la dissolution de l’Assemblée nationale.

Dans son article intitulé « Vers des services publics sans fonctionnaires ? », Émilie Agnoux analyse un statut « contesté et ébranlé », davantage sur le plan social que juridique, et souvent au cœur des débats. Ce fut notamment le cas lors des consultations sur la réforme proposée par le gouvernement Attal, qui envisageait de faciliter le licenciement pour insuffisance professionnelle, de promouvoir la rémunération au mérite et de supprimer les catégories A, B et C.

Débattre démocratiquement

Ce statut a été conçu « à la fois comme un pilier de notre modèle social, garantissant la confiance du public et l’efficacité de nos administrations, en partant du principe que le fonctionnaire accumule expérience et compétences, tout en assurant la continuité du service public », rappelle Émilie Agnoux.

Pourtant, ce statut, souvent « jalousé, critiqué et caricaturé », est désormais fréquemment présenté comme un obstacle pour les services publics, incitant certains à prôner un alignement des conditions d'emploi avec celles du secteur privé, dans le but de satisfaire les usagers-consommateurs tout en réalisant des économies substantielles.

Toutefois, précise Émilie Agnoux, « le statut des fonctionnaires ne constitue pas en soi un problème ». La crise d’attractivité de l’emploi public résulte de divers facteurs, tels que la pénurie de main-d’œuvre, la concurrence du secteur privé, la perte de sens et le manque de moyens.

Selon elle, il est regrettable que le débat public se concentre exclusivement sur ce statut, souvent mal compris, « le nombre de fonctionnaires ou le pourcentage des dépenses publiques dans le PIB, sans jamais questionner ni débattre démocratiquement des besoins collectifs ou du modèle de société que nous souhaitons pour l'avenir ».

« Les critères déterminants pour évaluer ces services, qu’ils soient publics ou privés, reposent sur le projet de la structure, la qualité de la prise en charge, les moyens alloués, la formation des professionnels et l’environnement de travail qui permet ou non de donner le meilleur de soi-même. ».

Préservation des missions régaliennes

Enfin, « l’une des dernières barrières encore en place semble être la préservation des missions régaliennes, où un consensus relatif subsiste quant à la nécessité de disposer de fonctionnaires sous statut ».

Cependant, Émilie Agnoux s'interroge : « Qui peut aujourd'hui affirmer que la gestion des déchets, de l’eau, des sols, de l’alimentation, du numérique public, etc., ne constituent pas des domaines stratégiques qu’il convient de préserver sous le contrôle et la maîtrise de la puissance publique ? »

 

Source : La Gazette des communes, 26/08/2024