Deux étudiants de Sciences Po Strasbourg ont entrepris d'étudier la gestion des ressources humaines des agents de la fonction publique en Europe, en s'interrogeant sur les similitudes et différences entre les pays européens. Ils se sont penchés sur la question suivante : « Les fonctions publiques locales en Europe : peut-on parler d’un modèle européen ? ».

Cette interrogation est complexe, notamment en raison des différentes définitions de « fonctionnaire », « agent public » et « fonction publique » selon les pays.

Ils soulignent que si la France considère le fonctionnariat comme une norme, l’Allemagne a une approche plus restrictive, et l’Angleterre une vision minimaliste. Malgré ces différences, la plupart des pays européens, à l'exception de la Suède, emploient des fonctionnaires sous un statut de droit public.

Les deux élèves distinguent deux grands systèmes de gestion des carrières : le système de carrière et le système d’emploi.

Le système de carrière est caractérisé par un recrutement spécifique, une formation initiale, une promotion fixe, l'emploi à vie et un régime statutaire pour la rémunération et la retraite.

En revanche, le système d’emploi permet un recrutement à tout moment, repose sur les compétences spécifiques pour le métier exercé, n’inclut pas de formation initiale ni de promotion fixe, et est régi par des contrats et des conventions collectives pour la rémunération et la retraite.

Ils concluent qu'il n'existe pas de modèle unique de fonction publique en Europe, mais que certains systèmes régionaux prédominent : les pays d’Europe continentale et du Sud ont tendance à adopter des systèmes axés sur la carrière, tandis que les pays scandinaves et anglo-saxons privilégient des systèmes basés sur l’emploi. Les pays d’Europe centrale et de l’Est présentent des systèmes dits "hybrides", après des revirements multiples de réformes.

Une étude comparative entre la France, la Suède et la Hongrie a révélé cette diversité des systèmes et mis en lumière les différences dans des aspects tels que le statut des fonctionnaires, le recrutement, la promotion, les droits et obligations, les régimes de retraite, et le dialogue social.

L’étude démontre aussi que la distinction entre fonctionnaires statutaires et non-titulaires est davantage ténue dans les systèmes de carrière que dans les systèmes d’emploi.

Recherche globale "d'efficacité et de performance"

Les chercheurs observent une convergence des fonctions publiques locales vers un modèle basé sur l’emploi, sous l’influence de la doctrine communautaire européenne et des principes de New Public Management.

Recours croissant au licenciement

Cette transformation se manifeste par une diversification des procédures de recrutement, l'essor de la contractualisation, et un recours croissant au licenciement pour s’adapter aux exigences de flexibilité et d’efficacité.

Mais pas de déclin du système de carrière

Les auteurs de l'étude nuancent cependant cette tendance en affirmant qu’il ne s’agit pas d’un déclin du système de carrière, mais plutôt d’une adaptation aux nouvelles valeurs du service public et aux attentes sociétales du XXIe siècle, comme le démontrent l’extension du principe d’égalité, incluant désormais la question de l’égalité professionnelle et l’égalité des chances, ou encore les réformes en matière de mobilité et de formation afin de répondre à un besoin d’individualisation des parcours des agents publics locaux.

En conclusion, les élèves s'accordent à dire que bien qu'il soit difficile de parler d'un modèle européen unique des fonctions publiques locales, la convergence des pratiques de gestion des ressources humaines vers des "bonnes pratiques" inspirées du New Public Management se dessine à l'échelle européenne.

Lire "Les fonctions publiques locales en Europe : peut-on parler d'un modèle européen ?", Août 2024, Sciences Po Strasbourg

 

Source : La Gazette des communes, 16/08/2024