En France, le ratio d'environ 1,5 cotisant pour un retraité menace la stabilité du système des retraites. Comme dans les pays anglo-saxons, le risque d'un sous-financement des pensions se dessine. Mais, la création d'un Fonds national des retraites pourrait renverser cette tendance.

Alors que la soutenabilité de la dette publique française fait un retour en force dans le débat public, la question du financement des retraites pourrait également redevenir une préoccupation cruciale. Il convient de rappeler que l'endettement actuel de la France, qui dépasse 3.000 milliards d'euros, ne tient pas compte des près de 1.700 milliards d'engagements hors bilan pour les futures retraites des fonctionnaires. Cependant, ce déséquilibre majeur n'est pas seulement un problème français.

Vers un sous-financement mondial

Les effets du vieillissement de la population et de la baisse de la natalité dans les pays occidentaux sont désormais bien compris, mais leur impact économique sur les systèmes de retraite reste sous-évalué. Larry Fink, le CEO de BlackRock, s'en inquiète dans sa dernière lettre annuelle, soulignant que, selon les dernières estimations, les pensions de base américaines ne pourront plus être versées à taux plein après 2034.

Face à cette échéance imminente et à l'ampleur du problème, il insiste sur la nécessité de repousser l'âge de départ à la retraite et d'accroître l'épargne sur de plus longues périodes. Il rappelle également que plus de la moitié des actifs gérés par BlackRock sont désormais dédiés aux retraites.

Ce problème n'est donc pas spécifique à la France, mais plutôt lié au niveau de développement et de richesse de la plupart des pays de l'OCDE. La démographie, implacable, fait que l'allongement de la durée de vie à la retraite, combiné à un effondrement de la fécondité, rend les équilibres financiers insoutenables, même avec les modèles de capitalisation mis en place dans de nombreux pays anglo-saxons, comme l'Australie, souvent citée en exemple.

Pour anticiper le risque d'un "tsunami gris", le gouvernement australien a créé dans les années 1980 un système appelé "superannuation", obligeant les travailleurs à épargner dès leur jeune âge pour accumuler et capitaliser sur une longue période, en prévision des changements démographiques à venir. Bien que ce système de retraite soit considéré comme le mieux financé au monde, des inquiétudes émergent quant à une possible baisse des pensions à venir. Globalement, certaines estimations chiffrent le sous-financement des retraites à l'échelle mondiale à près de 400 trillions de dollars, soit environ quatre fois le PIB mondial !

Le Fonds national pour les retraites

Quelle est donc la situation de la France, seul grand pays développé à maintenir un système de pure répartition ? Les cotisations annuelles, environ 350 milliards d'euros, ne sont jamais investies et ne génèrent donc aucun intérêt, étant directement redistribuées aux retraités actuels. Avec un ratio initial de quatre cotisants pour un retraité dans les années 1970, le système est aujourd'hui à bout de souffle avec seulement 1,5 cotisant.

Il est peu probable que la natalité remonte dans les années à venir, car elle dépend des aspirations des nouvelles générations. De même, l'espérance de vie ne diminuera pas, ce qui est une bonne nouvelle en soi. Plutôt que de s'alarmer de cette situation et de croire que la France est en pire posture que ses voisins, on peut paradoxalement souligner sa position avantageuse.

En effet, la France pourrait être l'un des rares grands pays développés à disposer encore d'une marge de manœuvre financière. La création d'un Fonds national des retraites, qui recevrait une partie des cotisations des assurés et les investirait à long terme – sur vingt à trente ans, par exemple – permettrait de dégager un fonds de retraite, une nouvelle source de revenus grâce aux intérêts composés sur une longue période. Par exemple, un fonds doté de 50 milliards d'euros, placé à un taux de 5 % sur vingt ans, générerait près de 80 milliards d'euros d'intérêts.

Le nouveau gouvernement travailliste du Royaume-Uni a compris cet effet de levier et prévoit la création d'un fonds souverain national de près de 10 milliards d'euros pour financer ses investissements dans la transition écologique. Comme le disait Einstein, "Les intérêts composés sont la plus grande force de l'univers". Espérons que la France saisisse rapidement cette opportunité.

 

Source : Les Echos, 19/08/2024