Fusion des différentes catégories d'intercommunalités, suppression de la métropole du Grand Paris, dévitalisation du Comité des finances locales, retour du cumul des mandats et du conseiller territorial...
Intitulé "Décentralisation, le temps de la confiance", le rapport « Woerth » écrit « comme un projet de loi » n’a pas vocation à prendre la poussière, prévient son auteur. Gros plan sur les principaux points du rapport "Woerth".
Fusion de toutes les catégories d’intercommunalités
Exit, les métropoles de droit commun, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de communes… Le rapport « Woerth » propose de fusionner toutes ces catégories en une seule.
Conjointement, l’auteur du rapport préconise également la suppression des pôles d’équilibre territorial et rural (PETR) ainsi que des syndicats intercommunaux inutiles. Il estime que cela concerne environ la moitié des 9 065 syndicats recensés en 2023.
Décentralisation du logement
Créé par la loi "3DS", le rapport propose de "donner aux intercommunalités les outils pour relancer la construction de logements", en achevant la décentralisation complète des aides à la pierre à celles disposant d’un plan local d’urbanisme intercommunal et d’habitat (PLUiH).
Le rapport propose aussi une application de la loi "SRU" au niveau intercommunal, mais avec la mise en place de clauses garantissant un taux minimal de mixité sociale par commune. Enfin le rapport propose de donner un poids plus important au maire dans l’attribution des logements sociaux, à l’instar de ce que prévoit le projet de loi pour le développement d’une offre de logements abordables. Il reprend enfin une proposition peu consensuelle, qui figure également dans le rapport "Ravignon", de transférer la gestion des ménages reconnus prioritaires au titre du Dalo de l’Etat aux communes.
Protection de l’enfance : vers une recentralisation ?
Le rapport "Woerth" veut affermir le département dans ses fonctions sociales. Deux scénarios : la recentralisation ou l’intégration de ces politiques dans un nouveau service des solidarités présidé par le patron du conseil départemental, mais cogéré avec l’Etat et la Sécurité sociale.
Pour ce qui est du financement et de la tutelle des Ehpad, le rapport plaide très clairement pour une recentralisation.
Eric Woerth appellent aussi à faire du département l’échelon des réseaux en lui transférant l’ensemble des routes nationales non concédées et la gestion de certains musées.
Finances locales : un nouveau dialogue Etat-collectivités ?
Sur le volet des finances locales, Eric Woerth pousse pour la mise en place d’une « loi d’orientation des finances locales et de simplification (LOFLS) » au Parlement, ainsi que pour la création d’un « Observatoire des finances publiques locales », qui serait la fusion du Comité des finances locales (CFL) et de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).
Une fiscalité locale réorientée
Pour le bloc communal, Eric Woerth souhaite qu’il concentre la quasi-totalité de la fiscalité foncière, prévoyant que les communes perçoivent la taxe d’aménagement (TA) et les EPCI la moitié de la partie versée aujourd’hui aux départements pour les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Les intercos percevraient aussi l’Ifer.
Un choix qui soulève la question de la réévaluation des valeurs locatives pour la taxe foncière, qui selon Éric Woerth ne se fera jamais à l'échelon national. Il souhaite donc permettre aux EPCI de demander l’actualisation des valeurs locatives cadastrales de leur territoire auprès de la direction départementale des finances publiques.
Pour les départements, un « service départemental des solidarités », permettant d’isoler les dépenses sociales obligatoires des autres dépenses, serait créé et financé par une dotation de solidarité révisée annuellement. La contribution solidarité autonomie (CSA) et la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa), aujourd’hui perçues par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), serait transférées. Selon la proposition d’Eric Woerth, les départements pourraient bénéficier d’une fraction de la Contribution sociale généralisée (CSG), de la taxe Gemapi (perçue actuellement par les EPCI), mais aussi d’une écotaxe pour le financement des routes.
Enfin, les régions, qui ont aujourd’hui pratiquement perdu toute fiscalité locale et dotations, se verraient attribuer "une fraction territorialisée de l’impôt sur les sociétés" et retrouveraient un levier fiscal, avec pouvoir de taux, sur la CFE (actuellement attribuée au bloc communal), mais seulement sur la moitié de celle-ci.
La contre-proposition de réforme de la DGF
Eric Woerth formule aussi une proposition détaillée de réforme de la DGF, souhaitée par tous les acteurs mais extrêmement difficile à mettre en œuvre. Il voudrait « mettre fin aux ancrages du passé pour rétablir l’équité entre les territoires » en s’appuyant sur trois dotations :
- Une dotation complémentaire de fonctionnement, avec un minimum de ressources garanti et qui s’appuierait sur le potentiel financier par habitant, calculé chaque année, en prenant en compte les charges de centralités de certaines communes, mais aussi les territoires qui se développent;
- Une dotation de préservation de l’environnement et du patrimoine, versée de façon forfaitaire « aux communes dotées d’importants espaces naturels non artificialisés » ou celles « comptant un important patrimoine culturel » ;
- Une dotation de mutualisation pour les communes nouvelles.
Eric Woerth anticipe une transition qui pénaliserait certaines communes. Il imagine l’éviter en envisageant que « les communes perdantes pourraient bénéficier d’une compensation temporaire grâce à la dynamique de la TVA et des impôts locaux ». S’agissant des intercommunalités, le député pousse pour la disparition de la part forfaitaire de DGF et un basculement intégral vers la dotation d’intercommunalité. Pour les départements, la DGF serait supprimée et remplacée par la dotation de solidarité.
Par ailleurs, sur le plan financier, Eric Woerth envisage aussi de fusionner toutes les dotations d’investissement des collectivités pour ne laisser qu’une seule enveloppe à la main du préfet.
Le retour du cumul des mandats
Sur le champ électoral, Eric Woerth rouvre la boîte à archives pour y ressortir le cumul député-maire et sénateur-maire, supprimé depuis 2017. L’autorisation ne serait pas élargie aux fonctions exécutives départementales et régionales et la présidence d’EPCI devra être prise en compte dans les règles de cumul des mandats et d’indemnités. Il serait donc interdit de cumuler la fonction de président d’EPCI avec un département ou une région.
Le conseiller territorial new look
Eric Woerth propose aussi le retour du conseiller territorial, siégeant à la fois au conseil régional et au conseil départemental. Tous les conseillers départementaux ne pourront pas devenir conseillers territoriaux.
L’objectif est clair : conserver un nombre de conseillers régionaux inchangé, tout en garantissant une représentation équitable des territoires ruraux.
La réduction de 20 % du nombre d’élus locaux
Au-delà du conseiller territorial, qui pourrait faire baisser le nombre d’élus départementaux et régionaux de 5 500 à 3 200, il mise en parallèle sur la réduction du nombre de conseillers municipaux de 100 000 élus locaux grâce à un maximum de neuf conseillers pour les communes de moins de 499 habitants, treize conseillers pour les communes de 500 à 1 499 habitants et une baisse de 20 % pour les communes de plus de 1 499 habitants.
Mais le nombre d’adjoints municipaux sera maintenu, rassure Eric Woerth, qui souhaite faciliter la constitution des listes et que les adjoints et maires des communes de moins de 20 000 habitants soient mieux indemnisés. Avec une nouveauté, l’instauration de la parité même pour les listes des communes de moins de 1 000 habitants.
Source: La Gazette, le 30/05/2024