Financièrement, réduire les OMR (ordures ménagères résiduelles) est capital, car les coûts de la collecte explosent et il y a de moins en moins d’exutoires pour ces déchets. Des solutions sont expérimentées par les collectivités depuis plusieurs années.
L’ADEME a réalisé sa dernière campagne de caractérisation à l’échelle métropolitaine en 2017. Certains résultats sont très encourageants : la production annuelle d’OMR par habitant a baissé de 31 % entre 1993 et 2017 pour atteindre 254 kg. « Mais il reste d’énormes marges de progrès. Plus des deux tiers des déchets jetés en OMR n’ont rien à y faire et 33 % sont des biodéchets. Enfin, 37 % sont des recyclables, principalement des papiers et emballages ».
Réduire le volume des OMR apparaît d’autant plus urgent que ce type de déchets représente plus de la moitié du coût aidé de la gestion des déchets ménagers, soit 50 euros hors taxes par habitant (médiane métropolitaine 2018). Et ce coût va exploser, avec l’envolée des prix des carburants, des coûts du stockage avec la raréfaction des exutoires et du montant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Cette dernière doit encore être renchérie de 12 à 25 euros la tonne entre 2022 et 2025 pour atteindre 65 euros la tonne en 2025. « Le défi pour les élus et les services est de maîtriser un des principaux budgets de sa collectivité, et aussi de mettre en œuvre les changements nécessaires pour atteindre les objectifs de performances environnementales et tendre vers une économie circulaire ».
La réglementation prévoit deux échéances qui visent à réduire drastiquement les OMR. D’une part, la généralisation de l’extension des consignes de tri des emballages d’ici à la fin 2022, en application de la loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte. D’autre part, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi Agec) fixe à fin 2023 l’obligation pour les collectivités de proposer à leurs habitants une solution de tri des biodéchets à la source afin de les valoriser.
La matrice des coûts est un cadre de présentation des coûts du service public de gestion des déchets, élaboré par l’ADEME. Elle est remplie par les collectivités à partir de leurs données comptables en ventilant les charges et les produits, chaque année civile, en suivant des règles standards nationales qui assurent la comparabilité des données saisies. Formation et aide au remplissage de la matrice, restitution des résultats aux élus pour chaque collectivité avec analyse et échanges sur les pistes d’optimisation : l’ADEME prend en charge un dispositif inédit d’accompagnement des collectivités jusqu’au printemps 2023.
« La tarification incitative est la solution à envisager prioritairement. Elle a un impact fort sur les performances de tri, les actions de prévention, l’optimisation des fréquences de collecte », selon Julien RUARO, animateur national coûts et optimisation des services déchets de l’ADEME Car cette solution abaisse considérablement le flux des OMR. Les tonnages collectés diminuent de 20 à 70 %, selon les performances initiales de la collectivité, et surtout du type de tarification incitative mis en place : taxe ou redevance, pesée et/ou levée.
La communauté d’agglomération Lisieux Normandie (Calvados) a voté, en juin 2022, le passage à la tarification incitative pour 2023. Elle prévoit divers investissements spécifiques : 21 000 composteurs, plus de 1 000 colonnes avec badge d’accès pour les OMR collectées en point d’apport volontaire, des cabas de prétri, pour un montant d’environ 8 millions d’euros. Le coût de la mise en place de la tarification incitative se situe dans une fourchette de 20 à 30 euros par habitant, selon une étude de l’ADEME qui tombe sous 15 euros, une fois les aides et subventions soustraites.
Avec l’explosion du prix des carburants, de nombreuses collectivités envisagent de réduire la fréquence de la collecte des OMR en porte-à-porte. Passer d’une collecte par semaine à une tous les quinze jours (C0,5) réduit les charges de 10 à 15 %. Mais aussi les volumes des ordures, dont le ratio chute à 170 kg/hab./an. Une trentaine de collectivités ont déjà fait ce choix. C’est le cas de Lamballe terre & mer.
La communauté d’agglomération a mis en place la tarification incitative le 1er janvier 2022. «Elle est passée d’une tournée par semaine pour les particuliers à une tous les quinze jours. Cela a généré du mécontentement, notamment de la part des habitants des communes touristiques du littoral qui redoutaient, entre autres, la multiplication des dépôts sauvages. Elle a mis en place une brigade propreté estivale, chargée d’inspecter les abords des points d’apports volontaires, sept jours sur sept. Ils ont pris des photos tout l’été. Finalement, il n’y a pas eu beaucoup de dépôts sauvages », détaille Anne-Lise Sudour. D’autres collectivités vont plus loin en choisissant d’abandonner la collecte en porte-à-porte des OMR pour basculer totalement dans l’apport volontaire, à l’instar de la communauté de communes du pays des Herbiers qui a fait ce choix dès 2000. Il lui a fallu cinq ans pour convaincre les habitants.
Source: club techni'Cités, le 26/10/2022