Par un arrêt rendu le 11 mars 2025, la Cour administrative d'appel de Paris a reconnu que l’État avait commis des fautes en autorisant la commercialisation d’insecticides contenant du chlordécone, 

en prolongeant leur utilisation, en tardant à évaluer la pollution engendrée, à y remédier, à en mesurer les conséquences, et à informer les populations concernées.

Elle considère que l’État doit indemniser, lorsqu’il est prouvé, le préjudice moral d’anxiété des personnes exposées durablement à cette pollution.

Cette affaire a été portée devant la Cour administrative de Paris par près de 1 300 requérants ayant subi, en Guadeloupe et en Martinique, une exposition prolongée à la contamination des sols, de l’eau et de la chaîne alimentaire par le chlordécone. Cette substance, présente dans des insecticides, a été utilisée dans les plantations de bananes entre 1972 et 1993. La Cour estime que l’État a commis des fautes en renouvelant, à partir de 1974 et à plusieurs reprises, les autorisations provisoires de vente sans disposer des études toxicologiques requises. Il a ensuite homologué ces produits malgré l’évolution des connaissances sur leur dangerosité et a autorisé leur usage dérogatoire entre 1990 et 1993. De plus, après leur interdiction, l’État a tardé à organiser l’élimination des stocks restants, à rechercher les traces de contamination dans l’environnement et la chaîne alimentaire, et à mettre en place des mesures d’information et de protection des populations exposées.

La Cour relève que les premières études démontrant avec précision les risques sanitaires liés au chlordécone ont été publiées moins de quatre ans avant que les victimes ne sollicitent une indemnisation. Elle en conclut que leur demande n’est pas prescrite.

Enfin, elle souligne qu’au vu des connaissances actuelles, l’exposition au chlordécone est associée à un risque accru de cancer de la prostate et de récidive de cette maladie. Une exposition pré et postnatale pourrait également favoriser les naissances prématurées et affecter le développement cognitif et comportemental des enfants. Si les requérants n’avaient pas fourni d’éléments personnels précis devant le tribunal administratif, une dizaine d’entre eux ont cette fois apporté des preuves suffisantes, notamment des analyses sanguines et des études de sols, attestant d’une exposition avérée et de risques élevés.

Dans ces cas spécifiques, la Cour condamne l’État à réparer le préjudice d’anxiété lié à la conscience d’un risque élevé de développer une maladie grave. Elle reconnaît également, lorsqu’il est démontré, un préjudice moral lié aux conséquences avérées de cette exposition. En revanche, elle précise que la simple exposition au chlordécone, sans justification individuelle des impacts subis, ne suffit pas à établir un droit à réparation.

Lire CAA de Paris 2025-03-11

 

Source : Id-Cités, 12/03/2025